Un seul but : cessez-le-feu !

Pour la traditionnelle marche nocturne du 7 mars, Les Dégommeuses ont rappelé leur opposition aux violences faites aux femmes et aux minorités de genre, mais aussi à au massacre colonial en cours en Palestine. « Nos corps ne sont pas vos champs de bataille », ni à Paris, ni à Gaza.

Les jours qui ont précédé la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, Les Dégommeuses ont également signé une tribune initié par le collectif Nous Toutes visant à dénoncer les intimidations d’Aurore Bergé, Ministre déléguée pour l’égalité femmes-hommes, vis-à-vis des associations féministes. On reproduit ici le texte de la tribune.

Quand l’écoute se libère, le gouvernement bâillonne les féministes

Ces dernières semaines, la société française assiste à un nouvel élan du mouvement #MeToo. Gérard Depardieu, Benoît Jacquot, Jacques Doillon, Gérard Miller, Philippe Caubère, Sébastien Cauet, Seb Mellia… Chaque jour, de nouvelles victimes dénoncent les violences sexistes et sexuelles commises par ces hommes de pouvoir. Elles représentent la voix de celles qui ne peuvent plus parler et de celles qui ne le peuvent pas encore. Les violences de genre se retrouvent une nouvelle fois sur le devant de la scène politico-médiatique. Les conditions de cette fameuse “libération de la parole” ont été réunies par les militantEs et associations féministes qui luttent sans relâche depuis des dizaines d’années pour faire du “on vous croit” une réalité.

Si nous, femmes, minorités de genre et enfants, avons toujours parlé, notre parole était loin d’être véritablement entendue. Un peu plus de 6 ans après le lancement du mouvement #MeToo en France, nous pensions enfin assister à une libération de l’écoute : les victimes – célèbres – sont enfin invitées sur les plateaux télé, les féministes deviennent enfin légitimes au sein de l’espace médiatique. Il n’est désormais plus possible d’ignorer la réalité des violences : plus de 900 féminicides sous Macron, un viol ou tentative de viol toutes les 6 minutes, 3 enfants par classe victimes d’inceste…

Cette libération de l’écoute s’accompagne d’une véritable prise de conscience de l’ensemble de la société face à l’urgence de combattre ces violences qui s’inscrivent dans un contexte de rapports de domination patriarcale mais aussi, souvent, au croisement d’autres oppressions. Les féminismes et luttes sociales convergent pour lutter ensemble et la riposte n’a pas tardé à arriver. Il faut nous faire taire car nous rappelons sans cesse que les violences de genre sont systémiques et que l‘État est complice de leur perpétuation. Par cette tribune, nous dénonçons fermement les réactions “bâillon” contre les mouvements féministes, de plus en plus fréquentes et répressives.

Dimanche 11 février, Aurore Bergé, Ministre déléguée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances a déclaré vouloir “passer au crible toutes les associations féministes soutenues financièrement par le gouvernement” afin de supprimer les financements de celles qui auraient tenu des ‘propos ambigus’ au sujet du 7 octobre”. Depuis des années, les organisations féministes alertent sur l’indigence des budgets alloués à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles et dénoncent l’inaction des pouvoirs publics. Avec cette déclaration, Aurore Bergé et le gouvernement font diversion pour se déresponsabiliser de la lutte contre les violences en France. Les atrocités commises par le Hamas sont instrumentalisées pour éviter de répondre aux demandes de cessez-le-feu formulées par les féministes et autres organisations. Ces propos sont d’autant plus irresponsables quand l’État laisse mourir une femme tous les deux jours, méprisant les efforts des associations féministes déjà sous-financées qui accomplissent une mission de service public dans des conditions de plus en plus dégradées. Alors, n’inversons pas les rôles : nous, féministes, croyons toutes les victimes et dénonçons toutes les violences masculines, quel qu’en soit le contexte. Vous, décideurEUSES politiques, vous soutenez les agresseurs jusqu’aux plus hauts sommets de l’État et laissez mourir nos sœurs.

La déclaration de la ministre représente l’énième manifestation d’un retour de bâton ou “backlash” anti-féministe particulièrement inquiétant, favorisé par une extrême-droitisation des discours politiques et médiatiques venant – sans surprise – de la droite, mais aussi d’une partie de la gauche. Nous assistons à ce retour de bâton conservateur parce que ce que nous affirmons dérange : l’État est coupable du maintien des violences de genre, en France, et ailleurs. Ce backlash s’inscrit dans une politique répressive plus globale envers les mouvements sociaux. Violences policières, dissolutions arbitraires d’associations et de collectifs militants, interdictions de manifester, annulations de conférences critiquant les positions du pouvoir en place : les exemples sont légion. Les féminismes et l’ensemble des luttes sociales sont multiples mais unis face aux politiques réactionnaires portées par ce gouvernement qui n’hésite pas à s’allier avec l’extrême droite, à travers ses discours et ses actes.

Nous ne nous tairons pas, nous ne vous laisserons pas instrumentaliser nos combats.